dimanche 3 décembre 2017

Saint-Florent-sur-Auzonnet : Exposé de Richard Bousiges à l'occasion de l'inauguration du musée de la mine



Richard Bousiges, Gérard Catanèse, Paul Rouverand et Louis Robert

L'exposé de Richard Bousiges, extrêmement instructif, intéressant et documenté a fait l'objet de nombreuses demandes de la part des personnes présentes lors de l'inauguration, et, de bouche à oreille, de beaucoup d'autres.
Richard m'a autorisé à en publier l'intégralité dans Reglisse-Vanille.
Merci à lui, de ma part, et du vôtre, chers lecteurs, qui y touverez une "mine" d'informations sur le passé minier de notre village en particulier, de vallée et de notre région en général.


Inauguration du musée de la mine
Monsieur le Maire, mesdames, messieurs, chers amis…
Bien qu’appréciant aussi l’art contemporain, j’ai entrepris depuis quelques temps des recherches sur ce sujet de la mine dans la vallée de l’Auzonnet…
Quelle belle et utile initiative que celle prise par M. Rouverand et la commune de Saint-Florent ! Ouvrir un musée de la mine – ou un espace minier- pour garder le souvenir de ce passé qui a été déterminant socialement et économiquement. C’est une belle façon de rendre hommage à tous ceux qui ont travaillé durement dans la mine.
Il faut tout d’abord rappeler l’importance qu’a eue l’exploitation des mines de charbon dans cette partie des Cévennes, la vallée de l’Auzonnet. On compte plus de 200 ans d’exploitation minière : de 1758 à 1975 !
En effet, cette histoire de la mine dans notre vallée a débuté en fin d’année 1758, quand Louis Gilly de Saint-Jean-de-Valériscle, qui fut un précurseur, utilisa le charbon de terre, au lieu du charbon de bois, pour le fonctionnement d’une verrerie. Cette initiative fut la bienvenue car la déforestation en France et particulièrement en Cévennes était très importante… L’Aigoual, par exemple, était complètement dénudé !
Cette histoire se termina plus de 200 ans plus tard avec le dynamitage du puits de St-Florent le lundi 26 mai 1975. Le puits de Saint-Florent avait été créé après la nationalisation en 1946. Il fut un des puits les plus importants et les plus modernes d’Europe. Victorin Duguet donna le premier tir de mine de ce nouveau puits de St-Florent dont le creusement avait commencé le 2 septembre 1946. Rappelons que Victorin Duguet, né au Martinet, fut le premier Président des « Charbonnages de France ». Il était ancien mineur de fond comme son frère Elie Duguet, auteur du livre « Le chemin de l’Arbousset, les luttes des « gueules noires » en Cévennes».
Je voudrais profiter aussi de cette occasion pour saluer tous ceux –écrivains locaux contemporains - qui ont eu des ancêtres ou des proches parmi les mineurs et qui ont évoqué ce vécu de la mine, soit en tant qu’historien soit par des récits autobiographiques. Et je ne citerai que:
G. Delmas dans son étude sur la vallée de l’Auzonnet, P. Mazodier avecPichÒtPèire, Jean Bouchon, Les enfants de la vallée noire,Marc Cellier, Saint-Jean-de-Valériscle. 
La vie quotidienne et économique a été également parfaitement présentée par Annie Cambon et Odile Pagès dans un chapitre du collectif sur Robiac-Rochessadoule qui illustre particulièrement « le quotidien » d’une famille de paysan-mineur. Le métier de mineurs a aussi été très bien écrit, dans le même ouvrage, sous la plume Stéphan Adam. Citons d’autres auteurs pour des mines proches, comme Georges Fontane, Les quatre temps de la vie d’un mineur cévenol (sur Molières/Cèze)…ou Laurent Aiglon, responsable de la Maison des mineurs de La Grand Combe et auteur de conférences et d’articles sur ce sujet.
Entre ces 2 dates, 1758 et 1975, une organisation fut mise en place notamment par la loi de 1810. Elle affirme que le sous-sol n’appartient pas au propriétaire du sol et elle instaure le régime des concessions qui sont établies à partir d’un repère géographique.
Ainsi le clocher de l’église de Saint-Florent, fut à l’intersection de trois concessions, tracées en lignes droites :
-         La concession des « Houillères de Trélys et Palmesalade » à partir d’août 1825 et qui fut la plus importante de la vallée
-         Celle de Robiac-Meyrannes en octobre 1821, qui fut ensuite rattachée à Bessèges
-         Celle de « Saint-Jean-de-Valériscle » qui, ultérieurement, constitua la 5è division de la Compagnie des mines de la Grand-Combe
Le développement des mines a donc eu lieu surtout au XIXe siècle, où le charbon, seule source d’énergie importante, qui existait en grande quantité dans notre sol, a été le moteur et le moyen d’industrialisation du pays.
Beaucoup de nos ancêtres dans cette vallée étaient alors des paysans. Ils vont devenir, peu à peu, des « paysans-mineurs » dont il faut saluer la ténacité et le courage réalisant souvent deux activités en une journée !
Cette exploitation dans la vallée va se développer notamment grâce à la mise en place, en 1880, du train reliant Le Martinet à Alès. Moyen de transport plus efficace que le dos de mulet… pour transporter du charbon extrait des puits de l’Arbousset et de Pisani. Partant de là, il y aura un développement conséquent de l’exploitation des mines d’où la nécessité d’un recrutement important…et donc une augmentation de la population.
Commence dès lors le développement de cette exploitation minière. Très vite, la population de « paysans-mineurs » s’avérant insuffisante, on a recours, dans un premier temps, aux habitants des départements proches - Lozère, Ardèche - puis à ceux des « pays étrangers » : Italie, Espagne, Maghreb… et Pologne.
Le nombre d’habitants va augmenter considérablement. Peu à peu, de nouvelles communes se créent, tel les Mages en 1834, Molières-sur-Cèze en 1882, Le Martinet en 1921. Prenons ce dernier exemple : Cette nouvelle commune du Martinet comptait en 1872, 455 habitants. Lors de son autonomie, en 1921, elle comptait 2.358 habitants, c’est dire qu’elle avait quintuplé sa population en 50 ans.
Quant à la population de Saint-Florent qui avait plus que triplé entre le moment de la Révolution, et le début du XXe, elle comptait 1 662 ha après l’autonomie du Martinet mais 2 266 en 1962 alors que fonctionnait la mine de St-Florent.
Je rappelle par ailleurs que Bessèges (en 1878), puis La Grand Combe (en 1914), grâce au développement de la mine, devinrent tour à tour les 3è villes les plus importantes du Gard après Nîmes et Alès alors que quelques années auparavant elles n’étaient que des hameaux !
Nous voulons par ailleurs rendre hommage aux mineurs qui accomplirent un travail difficile et dangereux.
Ce musée, en rassemblant ces objets, outils, images… rappelle ces métiers difficiles, et pénibles (On entrait dans les mines qu’à partir de l’âge de 13 ans… grâce à une loi du 19 mai 1874 !, «considérée » comme humaniste à l’époque).
Difficile donc par les conditions de travail, mais aussi dangereux de par les accidents, éboulements, chutes, inondations, grisou… Il faut ici rappeler l’accident de grisou qui fit 16 morts le 8 mars 1900 à Trélys-Rochessadoule, celui du 4 avril 1921, au puits de l’Arbousset (Martinet), qui fit 16 morts. Plus récemment d’autres accidents mortels sont survenus, celui de Saint-Florent, le 28 novembre 1956… alors que les mineurs se préparaient à célébrer la fête de la Sainte-Barbe, l’accident causa alors la mort de 4 mineurs et en blessa 3 autres. Mais citons aussi celui du 18 décembre 1958 : un coup de grisou fut la cause de 9 morts au Pontil (Pradel), celui du 1/02/1963 qui provoqua la mort de 3 mineurs, et celui du 2/03/1967 : 5 morts ! Rappelons également des inondations comme celle de Lalle en octobre 1861 (commune de Bessèges) qui fit 105 morts et qui fut relatée par Hector Malot dans Sans famille). Je rappelle enfin l’importance des maladies comme la silicose qui fit souffrir tant de mineurs et qui ne fut reconnue comme maladie professionnelle qu’en août 1945.

Conclusion :
L’intérêt de ce musée est de garder trace de ce patrimoine qui a tant compté pour nos ancêtres dans leur vie quotidienne – une vie de labeur - pendant plusieurs générations. Ce musée exprime aussi notre Reconnaissance pour une profession qui a contribué notamment au redressement économique de la France après la seconde guerre mondiale.
Il est donc un témoignage de ce passé et il rejoint d’autres témoignages comme La maison du mineur à La Grand Combe, ou encore La mine témoin à Alès. Il est constitué en souvenir de cette activité, qui a eu tant d’importance dans notre région, et en particulier dans notre vallée.
Mais c’est aussi et surtout un hommage à un peuple de gens simples qui ont dû - sous terre- lutter contre les quatre éléments pouvant être mortels : la terre, l’air, l’eau et le feu. Leurs conditions de travail étaient pénibles et dangereuses, et leur durée de vie d’ailleurs, à toute époque, fut moindre que la moyenne nationale. Tout cela alors que leur travail permettait de chauffer les familles, d’éclairer le pays, goudronner les routes, d’alimenter les usines, les cimenteries, les chemins de fer…
Nous conclurons donc avec les mots de Georges Tiffon, ancien Secrétaire général adjoint des Charbonnages de France (1961-81), qui, après quelques heures passées au fond d’un chantier particulièrement difficile, dit « qu’il n’écrirait plus jamais le mot mineur sans y mettre un M majuscule »…

Je vous remercie de votre attention !