Au bord de la route qui remonte la vallée de l'Auzonnet, à la sortie des Mages, juste à l'endroit où commencent les Cévennes, il y a un petit chemin qui gravit une petite butte arborée au sommet de laquelle on devine un petit mazet qui domine la vallée. Des rangées de vignes toujours entretenues s'étagent sur quelques faïsses.
C'est dans ce petit coin bucolique que Pierre Baggi, retraité mineur, âgé de 82 ans et son épouse Cécile aiment venir.
Les ceps noueux sont des plants anciens d'aramons ou de jacquets qui donnent beaucoup de jus, mais très peu de degrés. Peu importe. Bon an, mal an, ses 7 ares produisent environ 4 hl de vin, que Pierre va consciencieusement déclarer à la mairie. « Il est le dernier sur la commune. Autrefois, il y avait quantité de déclarations de vin car cela donnait le droit de distiller de l'eau de vie. Ce droit s'est perdu car il n'est pas transmissible. Maintenant il ne reste plus que Pierre Baggi, il est le dernier. Après lui, ce sera certainement fini » déclare nostalgique le maire Jean-Claude Paris.
Plus qu'un travail ou une contrainte, Pierre et Cécile Baggi tiennent à perpétuer cette tradition aussi longtemps qu'ils le pourront. D'ailleurs, autrefois beaucoup avaient des vignes et faisaient leur propre vin, leur cartagène et leur eau-de-vie de marc… Ils cultivaient aussi un petit jardin potager. Du bio intégral !
Le jour des vendanges était alors un grand moment convivial qui réunissait la famille et les amis. Un jour de fête auquel Pierre, Cécile et surtout leurs petits-enfants sont très attachés. Ces derniers prennent maintenant en main la partie pénible du travail. La grand-mère Cécile en est fière:« … nos petits-enfants, Paul et Simon, nous aident beaucoup. Ils ont porté les cornues, tourné la manivelle du fouloir. Pour nous c'est l'occasion de se retrouver en famille ». Une tradition qui malheureusement se perd. Et Pierre de se rappeler« Avant, on n'avait pas de machine, on trouillait avec les pieds et le vin ne faisait pas beaucoup de degré. Certains en buvaient beaucoup, et il ne faisait pas mal. Mon vin n'est pas traité, alors, à la fin, quand il commence à se piquer, j'en fais du vinaigre, et ça fait 54 ans que ça dure. Maintenant les sangliers et les blaireaux dévastent tout. Si ça continue je devrai arrêter. »
Une phrase qu'il prononce sans trop y croire. L'année prochaine, c'est sûr, il viendra encore faire sa déclaration de vin!